IL était une fois deux villes voisines dont les rivalités politiques, sociales, économiques et sportives entretenaient les colonnes des gazettes... L'histoire des deux Mantes pourrait commencer ainsi, comme toutes les histoires d'ailleurs. Le XXe siècle n'était pas né qu'un gros bourg nommé Mantes-Gssicourt s'était déjà développé plus rapidement que sa voisine Mantes, dite « la Ville » pour mieux marquer ce qui les séparait. Entre les deux grandes guerres, Gassicourt peu attirant pour les Parisiens amateurs de promenades dominicales, de parties de pêche dans ce qui était déjà des carrières desaffectées, fut éclipsée au profit de la Jolie.

Mantes-la-Ville, Mantes-la-Jolie, ce sont les particules qui portent l'iniquité. La première, cité industrielle et ouvrière ; la seconde, cité de commerce et de résidences. La différence a des résonnances sociales et explique mieux que tout ce qui les désunit !

Aujourd'hui, le terrain où l'on peut faire constatation de cette inimitié est celui du football. L'on jalouse de façon avouée la réussite des « humbles » du côté des riches ; que Mantes-la-Ville, leader du groupe Nord du Championnat de France amateurs, frappe à la porte du National, c'est déjà une plaie ; que l'équipe seconde soit dans le groupe de tête du championnat de Paris, division Honneur, tandis que les siens sont au bas du tableau de la même division, c'est remuer un fer rouge dans la plaie !

Cela du côté des dirigeants surtout ; les joueurs de Mantes-la-Jolie n'ont pas les mêmes motivations. La plupart ne sont nés ni d'un côté ni de l'autre de la voie ferrée, frontière entre les deux cités et jouent au football pour le simple plaisir ; s'il pouvait s'y ajouter celui de gagner un peu plus souvent, ce serait tout de même mieux !

Des efforts...

Nous avons déjà consacré nos colonnes à Mantes-la-Ville et à ses succès. Au travail conséquent qu'y a réussi, ces dernières années, l'excellent joueur devenu entraîneur, Norbert Boucq : les résultats sont là pour en attester. Du côté de Mantes-la-Jolie, dans le club omnisports qui compte depuis un mois un licencié de marque dans la Section Athlétisme. Henry Elliott, champion de France de saut en hauteur, on a cherché a s'attacher les services d'un entraîneur ayant fait ses preuves. Le choix s'est porté sur Nadir Bendrama, neveu de Kader Firoud, ancien joueur professionnel de Perpignan dont il marqua le dernier but avant que la Ligue professionnelle saborde le club, et de Ripol, club de seconde division en Espagne. Devenu entraîneur à 28 ans, il présente des lettres de créances qui valent d'être honorées. Successivement, il a fait monter en C.F.A. deux équipes de la ligue du Midi, prises en charge en promotion. Ce sont l'Olympique Minier, né de la fusion de deux clubs du bassin aveyronnais, Cransac et Avrien et Clerp. Il eut le mérite d'y former trois joueurs professionnels, deux dans le premier : Szepaniak et Ahache ; un dans le second, mais de marque puisqu'il s'agit du nouvel International Diego Lopez, arrière droit de l'Olympique de Marseille et qui jouait alors en milieu de terrain et était un buteur réputé ! En 1964, il retourna en Algérie pour remplacer Ibrir à El Biar, accéda aux demi-finales de la Coupe et eut le mérite de donner une place en équipe première a un certain Lalmas devenu la vedette numéro un du football algérien ! Il entraîna ensuite Tlemcen et la caractéristique de toutes les équipes dont il eut la charge — ses press-books en témoignent - fut de marquer beaucoup, beaucoup de buts.

A Mantes-la-Jolie, ce n'est malheureusement pas le cas et Bendrama dit simplement :

« Nous sommes parmi les derniers... Cela je le sais et les supporters pourraient ne pas me le rappeler sans cesse. Ce qu'ils oublient, c'est que nous ne jouons pas mal du tout et que c'est là l'avenir. Il faut beaucoup travailler avant de posséder une équipe réellement offensive : Pierre Sinibaldi qui m'a tout appris, nous répétait toujours à Perpignan que l'une des vertus majeures pour un entraîneur, c'était la patience. J'attends et j'ai confiance. »

Conjointement à la venue d'un entraîneur, Mantes-la-Jolie, dont les dirigeants avaient déposé la candidature au championnat National qui fut repoussée, devait enregistrer la rentrée de plusieurs joueurs ex-pros dont l'ex-Angevin Defnoun... Les règlements s'y opposèrent et Bendrama dut faire avec l'effectif de l'an dernier. Pas si mauvais à priori puisqu'il permit d'obtenir une septième place en division d'Honneur, la meilleure jamais acquise depuis l'accession dans ses rangs !

...mal récompensés

Autour d'une ossature comprenant les deux frères Partie, Daniel et Marcel, le capitaine Jean-Claude Malheude et les deux anciens stagiaires professionnels du Red Star, Michel Boudjema et Roland Trochu, Bendrama s'essaya à intégrer des jeunes et des recrues de dernière heure. Un recrutement par trop anarchique et ne tenant aucun compte des complémentarités nécessaires au bon fonctionnement d'une équipe, mais des seules qualités individuelles. Résultat, l'équipe jouant un 4-2-4 assez strict avec repli rapide de la défense, accumule les mauvaises performances. La défaite contre l'ennemi intime, Mantes-la-Ville, fut la plus cruellement ressentie, comme bien se doit.

Rolland Trochu explique :

« Dans ce jeu idiot de la division d'honneur où tout est physique, il semble ne plus y avoir de place pour les techniciens. On y perd son envie de jouer et, sur le terrain, on se prend à rêver d'un petit club, sans prime de match, où l'on jouerait au ballon. La trentaine venue, on se dégoute très vite d'un jeu où les qualités de coureur a pied sont prépondérantes, d'autant plus quand on y a jamais cru... Chez nous — comme à Mantes-la-Ville d'ailleurs — nous faisons des efforts vers la qualité et cela ne paye pas... Oue faire ? »

Michel Boudjema, milieu de terrain apprécié et recherché, a un tempérament plus pondéré, plus optimiste aussi :

« La vérité, c'est que nous n'avons pas à aller jusqu'au bout de nos conceptions offensives. A jouer entre deux tendances, on ne peut que rater l'une et l'autre. Toutefois, cela va mieux et le stimulant pourrait venir de l'exemple des joueurs de Boucq... En fin de saison seulement, nous pourrons faire les comptes. De toute façon, à l'image du football au plus haut niveau, le football parisien est en régression. Il serait à notre honneur et justice de tirer quelques profits de se situer parmi ceux qui réagissent, même mollement. A long terme, la vérité triomphera. Même une année dans le purgatoire de la promotion, ce ne serait pas une catastrophe... Les dirigeants l'accepteront-ils ? »

Bendrama prétend que le maintien sera possible. Quant au président, M. Eeckeloo. Il cite l'exemple de l'A.S. Amicale, dernière a l'issue des matches aller de la saison 1967-1968 et qui n'en accéda pas moins au C.F.A. pour la rentrée suivante !

Le mot de la fin, nous le laisserons a un supporter, Michel Moreira, qui ne possède que des attaches sentimentales à Mantes-la-Jolie et n'a pu qu'être navré des ressentiments criés dans les tribunes lors du derby :

« Mantes-la-Ville joue bien, si ceux de la Jolie en font autant, ces cités divisées par le football pourraient bien trouver un « terrain » d'entente : celui du beau jeu avec beaucoup de buts marqués. La réconciliation par le football, ce serait déjà très... Joli ! »

Henri QUIQUERE.

Merci à gaoutte pour cet article.