MANTES, étonnant et... décevant


Aubour frappé par des énergumènes ! Le plus sombre souvenir d'un match qui illustrait parfaitement les conséquences de l'actuelle formule de la Coupe de France.

Au cours de la première période du match Mantes-la-Ville-Rennes, les joueurs bretons se montrèrent plus dangereux que les leaders du C.F.A.-Nord. Ici Allionne [Allione ndlr] intervient devant Lukic qui devançait Demota.

On se souvient que le résultat du match aller des huitièmes de finale de la Coupe de France Rennes-Mantes-la-Ville avait causé la surprise. Rennes n'est-elle pas une des meilleures équipes « pro », peut-être même la meilleure sur le plan collectif ? Pourtant, sa victoire étriquée (1-0) sur son terrain face aux amateurs du C.A. Mantes ne lui permettait pas d'envisager le match retour avec une grande sérénité. La performance da la formation entraînée par Norbert Boucq paraissait d'autant plus remarquable que le but rennais avait été obtenu grâce à une décision de l'arbitre qu'on peut qualifier de révoltante quant à l'esprit du jeu, puisque l'homme en noir avait indiqué le point de pénalty pour faute de main alors que le jeu était arrêté depuis quelques... trente secondes, un joueur étant resté au sol. Un autre incident n'allait pas arranger lea affaires de l'équipe amateur : l'ailier Saoumah avait le péroné brisé dans un choc avec Aubour. Voilà les faits.

Sous le signe de la vengeance

Malgré la gravité de ces incidents, était-ce une raison pour que le match-retour se déroule sous le signe du chauvinisme et même de la vengeance ? Pour que l'équipe rennaise soit traumatisée au point d'accumuler les maladresses pendant toute la partie ? Pour que les leaders du groupe Nord de CFA donnent le spectacle d'une équipe qui cherche assez peu à construire ? Pour que certaine presse publie des commentaires erronés et partisans au point de prétendre que les Rennais étaient les élèves et les Mantais les maîtres ? Pour que l'arbitre s'abstienne de siffler des fautes manifestes ? Enfin pour que quelques énergumès se sentent une âme de justicier au point de décider tout bonnement de lyncher Aubour ? C'était tout de même un peu facile ce relâchement de toutes les facultés, et voilà en tout cas qui est très symptômatique de l'esprit dans lequel se déroule cette Coupe de France qui a adopté la formule Coupe d'Europe « aller et retour », à partir des huitièmes de finale, et qui paraît déjà souffrir du même mal que ses homologues continentales.

A Mantes-la-Jolie, quand les deux équipes pénétrèrent sur le terrain, l'ambiance était créée. On criait déjà « Aubour assassin ! » ce qui eut pour effet immédiat de mettre le gardien rennais très mal à l'aise, et qui le paralysa sans doute quand il s'inclina sur un tir anodin de Appert après moins d'une minute de jeu. C'était le coup de théâtre, l'écart du match aller était déjà comblé. Et il restait 89 minutes. Nous eûmes alors l'occasion d'être relativement déçus par cette formation du C.A. Mantes qui obtient pourtant d'excellents résultats dans le difficile groupe Nord du CFA et qui de plus avait réalisé une performance de tout premier ordre en quittant le stade de Rennes sans avoir concédé régulièrement le moindre but. Mais en ce jour de Pâques, les Mantais ne donnèrent à aucun moment l'impression qu'ils allaient imposer leur façon de jouer face à une équipe rennaise pourtant mal inspirée. Leur jeu se résumait à des interventions constantes des défenseurs centraux Melloni et Demota assez efficaces devant leurs buts, mais qui tentèrent trop souvent de solliciter directement les avants de pointe alors que le milieu de terrain était abandonné aux Rennais. De cette manière, les occasions de but ne pouvaient provenir essentiellemant que des erreurs défensives des Bretons. Il est dommage pour les Herbette, Appert, Beltramini, que le jeu n'ait pas été mieux construit car ils auraient sans doute été récompensés de leurs efforts une seconde fois. Les Rennais n'avaient pas su faire la différence au match aller. Cette fois-ci, le C.A. Mantes n'allait pas réussir à s'imposer non plus.

Rennes supérieur, mais...

Ce n'est certainement pas rendre un grand service au CA Mantes que de laisser croire, comme l'ont fait certains, que l'équipe locale avait dominé la partie et mieux joué au football. Il n'y a que la vérité qui soit facteur de progrès. Et il convient de préciser que malgré leurs maladresses, les Bretons ont pratiqué un football collectif supérieur, ce qui leur a permis de se créer un nombre d'occasions de but supérieur. Pour étayer cette affirmation, nous consulterons nos notes de la première mi-temps.

Nous avons relevé pour le CA Mantes quatre situations dangereuses en sa faveur : le but de Appert à la 1re minute, à la 5e minute un tir de Calinski, à la 18e minute une tête de Herbette et à la 42e minute où une certaine confusion régna devant les buts d'Aubour. C'est tout.

Pour Rennes, nous avone relevé treize créations de situations dangereuses : (6e) tir de Guy détourné en corner ; (8e) centre de Betta détourné en corner à la suite duquel Guy est gêné irrégulièrement ; (11e) Guy donne a Lukic bien placé, mais ce dernier se montre maladroit ; (17e) Betta déborde la défense de Mantes et centre derrière les buts alors que trois Rennais attendaient le ballon ; (21e) Betta tire au-dessus ; (22e) Keruzoré centre vers Guy en brossant sa balle : l'effet trompe les défenseurs mais Guy ne peut la contrôler ; (23e) Guy se montre dangereux mais Allione intervient bien ; (24e) Betta déborde avec beaucoup de facilité, mais son centre passe dérrière les filets ; (27e) Guy reprend une balle relâchée par Allione et se la fait subtiliser alors que le but paraissait acquis ; (30e) coup-franc tiré par Rico aux dix-huit mètres, Allione ne peut que dégager du poing ; (33e) Betta élimine trois adversaires sur l'aile gauche, mais son centre est manqué alors que Lukic était en bonne position ; (36e) Garcia reprend une balle renvoyée par la défense et tire au-dessus ; (38e) Betta effectue une belle action sur l'aile et centre sur Lukic qui marque da la tête sans difficulté. Il est clair que si les Bretons avaient menés 3-1 à la mi-temps, il n'y aurait pas eu lieu de s'étonner beaucoup.

En seconde période, où l'entraîneur Boucq fit sa rentrée, Mantes-la-Ville sembla prendre davantage confiance en ses moyens et se mit en évidence par Herbette surtout : (7e, 8e et 12e) ; Sorel (13e) ; Calinski (15e), c'est à dire pendant le premier quart d'heure, et surtout entre la 31e et la 38e où ils méritèrent d'inscrire un second but par Herbette, Beltramini ou Gouju qui, bien placé, tira... du talon, sans inquiéter Aubour bien sûr. Néanmoins, on peut compter pour Rennes en cette seconde période, encore une douzaine d'occasions plus ou moins nettes dont certaines auraient mérité un meilleur sort. On le voit bien : si la réussite n'était pas mantaise ce jour de Pâques, elle n'était pas rennaise non plus, encore moins. Et nous pouvons penser, malgré les quelques individualités de Mantes, que l'équipe de Jean Prouff eut en fin de compte autant à souffrir de son inefficacité parfois exaspérante, que des assauts de cette formation du C.A. Mantes qui parut trop souvent nourrir ses espoirs précisément de ses adversaires.

Comme dans un western

On connaît la fin de l'histoire : au moment où il regagnait les vestiaires après s'être attardé en compagnie de quelques admirateurs, fut assailli par un commando, qui faute d'avoir compris quoi que ce soit à l'événement et au football en général, n'avait pas accepté la défaite da ses favoris et avait reporté toute son acrimonie sur l'homme qui avait blessé malheureusement un joueur de Mantes. Il est effarant de constater que des gens comme vous et moi ont pu envisager de lyncher Aubour comme dans un western, et que peut-être certains y ont pensé depuis le 28 mars. Et ce n'est pas la lecture des compte-rendus du lundi matin qui qui les aura aidés à mieux comprendre le match de football auquel ils avaient assisté la veille.

Il y avait en tout cas beaucoup d'amertume ce jour-là, car les Bretons n'avaient guère envie d'exulter, eux non plus. Ils avaient donné une image assez inquiétante de l'élite professionnelle. Certes, comme l'a dit Prouff, la prestation de ses hommes a été exceptionnellement mauvaise cet après-midi-là. Nous n'oublierons pas cependant que Rennes n'a pas pu s'imposer non plus sur son propre terrain lors du match aller.

Comme on pouvait s'y attendre, la formule « aller et retour » à ce stade de la compétition exalte le chauvinisme et développe un esprit de vengeance savamment nourri par les prétextes et les mensonges : tout devient permis au public de l'équipe qui reçoit au match retour, parce que, dit-on, à l'aller l'équipe adverse et son public se sont tout permis. C'est chose sûre : il y aura d'autres Marcel Aubour qui seront attendus comme au coin d'un bois. Il y aura d'autres bouteilles jetées sur les arbitres. Mais puisque les recettes sont bonnes...

Daniel WATRIN.

Merci à gaoutte pour l'article.